LES AGENTS DE SOROS ET LE TOTALITARISME - LIEN CONCRET


Dans une thèse de doctorat qui vient d'être soutenue à Belgrade, on affirme que la Serbie n'est devenue un État totalitaire qu'après la mort de Tito, et que le principal coupable en était le "le Livre de Miloutine" de Danko Popovic !


Par Miloslav SAMARDJIC


Traduction du serbe par Geoffroy LORIN de la GRANDMAISON et adaptation de l’article publié dans «Liberty», revue de la «Serbian National Defense Council of America» de Chicago (USA) dans le numéro du 10 avril 2014.


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Ce n’est pourtant rien comparé à leur appropriation de l’ouvrage de Karl Popper "La société ouverte et ses ennemis". Cela se fait sous couvert d’une prétendue lutte pour une société ouverte (démocratique), même si Popper, l’un des plus grands philosophes du XXe siècle, était anticommuniste. Il estimait que le premier ennemi de la société ouverte était le fascisme, et le second le marxisme, et qu’ils étaient fondamentalement les mêmes. Cependant, dès 1943 Popper s’attendait à ce que "le marxisme devienne le problème principal". C'est pourquoi, comme il l'écrit dans sa préface, "la critique du marxisme est le sujet principal de ce livre", c'est-à-dire de l'ouvrage en deux volumes intitulé "La société ouverte et ses ennemis". Plus tard, en 1965, après avoir eu connaissance de nouvelles informations – le livre de Lépold Schwarzschild sur Marx – Popper écrit à la dernière page de son livre réédité qu'il avait été en fait trop indulgent envers les "créateurs du socialisme scientifique", Marx et Engels.


Un aperçu de la façon dont on abuse de Karl Popper est clairement visible dans la thèse de doctorat d'Aleksandra Diouric Bosnic "Matrices idéologiques et cultures fermées : construction et déconstruction des stéréotypes dominants dans la culture en Serbie de 1985 à 2000", récemment soutenue à la Faculté des arts dramatiques de Belgrade (vu en ligne le 6 avril 2015 son site fdu.edu.rs).


L’ouvrage part de l'hypothèse que le danger pour la démocratie en Serbie est apparue à cause de la montée du nationalisme serbe, principalement dans la littérature, le théâtre et le journalisme, à partir de l’année 1985, et qu'il a été atténué – sans avoir disparu –lors de la victoire des facteurs démocratiques en l’an 2000.


La doctorante explique également comment cette victoire a été réalisée, déclarant :


"La réalisation de la résistance civile et la culture de la rébellion en Serbie dans les années 1990 était difficilement imaginable sans l'aide des fondations et organisations internationales. L’un des soutiens les plus cohérent et les plus persévérant sans l’implication duquel la plupart des projets auraient été impossibles à réaliser était certainement le Fonds pour une société ouverte qui entre 1991 et 1996 a fonctionné sous le nom de Soros Fund Yugoslavia. Curguz Kazimir fait également référence au fait que souvent, surtout en période de sanctions et d'isolement du pays, c’était la seule institution indépendante de ce type à soutenir les bases de la société civile : les ONG et la culture – rien qu'en matière d’édition, le Fonds a aidé à la publication de plus de cinq cents titres de livres – des traductions et des originaux..."


Outre l'inévitable invocation par les partisans de Soros que "le Fonds a (aussi) assuré une grande aide en médicaments et matériel médical", les détails suivants sont également intéressants :


"La mission de la culture de rébellion a été mise en avant dans l'impératif du changement non seulement du régime et de l'ordre politique existants, mais aussi le changement du public (par lequel il cesse d'être une masse aux opinions homogènes), de la culture politique (par laquelle elle se fonde dans un contexte d’ouverture et de démocratisation) et, enfin, le changement de modèle culturel, conçu comme ouvert, cosmopolite et, dans son essence, interculturel".


Dans la thèse sont énumérés tous les noms importants des agents de Soros – participants à cette prétendue lutte pour la démocratie. Quand une fracture est survenue à la Huitième session de l'Union des communistes de Serbie en octobre 1987 entre les partisans de Slobodan Milochevic et ceux de Ivan Stambolic, c’est à ce deuxième courant, plus rigide à la fois au sens théorique que pratique, que les futurs agents de Soros vont tendre. Ils étaient alors "collaborateurs experts" dans les organes de l'Union des communistes et diverses autres institutions, fondamentalement de même affectation (la propagande), puis professeurs de marxisme ou d’autres de ses branches (sociologie marxiste, philosophie, histoire...), des conférenciers à l'école du parti "Josip Broz Tito" à Koumrovetz, etc. C'était la période de la dernière grande vague de répression en Serbie : sous le règne d'Ivan Stambolic, qui prit fin en octobre 1987, jamais autant de titres de presse n’avaient été interdits.


Autant qu’on puisse le constater à première vue, parmi les plus citées dans cette thèse est Zagorka Goloubovic, avec 36 mentions, qui en 1990 était connue non comme marxiste, mais comme léniniste - on ne pouvait pas faire plus rigide. Il y a aussi Radomir Konstantinovic, Jarko Korac, Vesna Pechic, Latinka Perovic, etc.



Quand au printemps 1990 l'Union des communistes de Serbie a changé de nom pour devenir "Parti socialiste de Serbie", un masquage collectif en chaîne s'est produit dans un certain nombre d'institutions: la matière "marxisme" a été rebaptisé en science sociale, les musées révolutionnaires sont devenus musées nationaux, les instituts ouvriers ont été rebaptisés instituts scientifiques, etc. Le magazine "Marxisme", les journaux "Communiste", "Borba" et d’autres, dans lesquels ces "scientifiques" expliquaient le caractère historiquement inéluctable de leur pouvoir – en d’autres termes la mise en esclavage du peuple sous leur coupe, ont également disparu.


Puis, en un laps de temps très court survient la migration des marxistes-léninistes vers la "Société Ouverte" et à de nombreuses autres "organisations non gouvernementales", avec désormais Karl Popper sur les lèvres à la place de Marx, Engels et Lénine, mais avec le même slogan de base: la lutte contre le nationalisme serbe. Il est rapidement devenu évident que c’est justement ce profil de gens que les financiers occidentaux cherchaient.


Comment décrivent-ils aujourd’hui - un quart de siècle plus tard - leur lutte ?


De la partie introductive de la thèse on peut supposer que la Yougoslavie socialiste de Tito était aussi un État totalitaire, mais cela n'est explicitement dit nulle part, au contraire de la Serbie "de la fin du 20e siècle". De plus, on y prétend que le régime de Tito (évidement, ce terme en est absent) était autre chose, en raison de "l’opposition" à Staline et au "vrai socialisme soviétique". Tito "prévenait" les dirigeants des républiques et des provinces autonomes qu'ils ne devaient pas perdre "avant tout conscience du fait que l'intérêt de la communauté était basé sur l'Égalité et les relations d’autogestion socialistes en premier lieu" – en somme le dictateur est fondamentalement présenté comme une personnalité positive.


Pour que les lecteurs ne se retrouvent pas face à un dilemme, à un moment sont énumérés tous les pays qui aux côtés de ma Serbie étaient des dictatures au XXe siècle:


"... Nous les trouvons également dans la Chine communiste, dans le Cambodge communiste, dans les dictatures de droite d'Amérique latine, dans l'Union soviétique stalinienne et dans les pays du bloc de l'Est, dans les régimes pro-fascistes de l'Espagne de Franco et du Portugal de Salazar, dans l'Allemagne nazie et l'Italie fasciste."


La Yougoslavie de Tito n’est donc pas dans sa liste.

Or la réalité est inverse:


  • la Yougoslavie était l’État d’une dictature, qui s'effondrait justement après la victoire de Milochevic sur Stambolic, pour finir par tomber définitivement en 1990. Cette année-là, le ainsi-nommé «délit verbal» (article 133 du Code pénal de la République Socialiste Fédérative de Yougoslavie) et la Loi protégeant le nom et les actions de Josip Broz Tito ont été abrogés, l'interdiction de construire des églises orthodoxes serbes a été annulée, les citoyens ont été autorisés à créer des entreprises privées et à fonder des titres de presse privés...


  • La lecture de la presse et littérature étrangères ainsi que celles des réfugiés politiques dans la diaspora n'était plus un délit pénal, des partis politiques furent créés, les premières élections multipartites ont été tenues, etc. En résumé, tout ce qui constituait le système totalitaire qui avait été introduit fin 1944 et pendant 1945 a été aboli à partir de cette année 1990.



La période que cette soi-disant science indique comme période de la création d’une société totalitaire est en réalité celle de l’émergence de la société ouverte.


La thèse poursuit en disant que le rôle principal dans la création d'une "société fermée" en Serbie a été confié aux systèmes culturel, éducatif et médiatique. L'auteur poursuit:


"Le principal marqueur de la culture et de la politique culturelle en Serbie dans les années 1980 et 1990 était précisément le nationalisme, en tant que variante caractéristique d’une "idéologie sans idées", nécessaire au régime pour pouvoir, d'une part, compenser la "forme moderne et rationnelle de légitimité'' et, d'autre part, avoir une fonction d'homogénéisation des masses."


C'est ainsi – écrit-elle plus loin dans sa thèse – "qu'à cette époque les écrivains, les artistes, les scientifiques et les journalistes les plus populaires... ont généré la violence à travers des manipulations de masse et en ont fait une issue inévitable". Autrement dit, c’est de cette manière que la Serbie aurait provoqué les guerres des années 1990.


Le mécanisme était le suivant: la création de "représentations stéréotypées dominantes" et de "matrices idéologiques", parmi lesquelles celle de la nation menacée arrive largement en première position. C’est là que l’auteur cite l’historien allemand Holm Sundhaussen:


"Et rapidement en Serbie le discours public a été dominé par le cliché du martyr et du génocide, (…) le génocide est devenu le sujet principal. Dans les années 1980 et 1990, presque aucun autre mot n’a été autant employé et manipulé que le mot génocide. Sa répétition constante sous diverses formes (telles que le génocide physique, politique, juridique, culturel, religieux, administratif, etc.) a créé une matrice de la façon de voir les choses d’où presque tout le reste a été expurgé. "


Il est question du génocide des Serbes dans "l'État indépendant de Croatie" pendant la Seconde Guerre mondiale, ainsi que du génocide des Serbes au Kosovo-Métochie, tant pendant la guerre susmentionnée qu'à cette époque. L'auteur poursuit:


"Au cœur de la recherche scientifique s’est retrouvé "le sujet historique des génocides commis sur les Serbes dans la Seconde Guerre mondiale". Dans le "Livre sur le Kosovo" de l'historien Dimitrié Bogdanovic publié à Belgrade en 1985, est avancée la thèse selon laquelle les Albanais au Kosovo menacent les Serbes d'un "génocide biologique"."


Ces génocides ont-ils existé pour l’auteur? Cela ne se voit pas dans sa thèse. On ne peut que supposer constater que selon elle, soit ils n’ont pas existé, soit ils étaient si insignifiants qu’ils ne méritent pas d’être mentionnés.


Pourtant, ils ont pourtant bien eu lieu. Le génocide des Serbes dans l’État indépendant de Croatie est "à ranger dans la liste des plus grands crimes dans l’histoire du Monde", comme l’avait écrit pas moins que le plénipotentiaire spécial d’Hitler pour les Balkans, le Dr Hermann Neubacher. Auparavant, dans le régime socialiste totalitaire, le génocide dans l’État indépendant de Croatie et au Kosovo-Métochie figurait parmi les sujets les plus interdits qu’il fut d’évoquer. Les charniers dans lesquels des centaines de milliers de Serbes ont été jetés pendant la guerre ont été recouverts de chapes de béton par le régime communiste et le recensement de la liste des victimes n’avait pas été autorisé. Ce n'est que depuis 1985 - soit cinq ans après la mort du dictateur J. B. Tito – que ce sujet a commencé à être abordé.


De la même façon, la nouvelle montée du nazisme en Croatie était clairement visible et les Serbes qui y vivaient ressentaient que leur vie était de nouveau en danger, alors que les nouvelles des crimes commis contre des Serbes au Kosovo-Métochie dans les années 1980 arrivaient chaque jour.


Tout ceci sont des faits, mais cette soi-disant science les ignore tout simplement, à la manière du marxisme classique. C'est ainsi que les tenants de ce dernier écrivaient jadis que c’est la classe ouvrière qui est au pouvoir en Yougoslavie. Si quelqu’un avait osé leur dire de ne pas se moquer des pauvres hères derrière leur machine, lesquels avant la dictature communiste avaient aussi bien un salaire plus élevé et davantage de droits (ils avaient de vrais syndicats), cela ne les toucherait tout simplement pas.


Comme principal exemple de "manipulation des masses", l'auteur invoque "Le Livre de Miloutine" de Danko Popovic, ajoutant le commentaire suivant:


"L'efficacité des représentations stéréotypées au cours du processus de façonnement manipulatoire des masses aux opinions homogènes, en tant que condition nécessaire préalable à l'implantation complète et définitive d’une construction idéologique dominante, est certainement davantage marquée si les actes porteurs de matrices idéologiques sortent de l’ordinaire, ont un fort pouvoir de persuasion et sont conçues d’une façon moins stéréotypée au sens formel, comme "Le Livre de Miloutine" de Danko Popović. L'histoire du paysan serbe Miloutine, comme histoire ayant une fin tragique et une charge cathartique causée par la souffrance d'un héros apparemment inoffensif et honorable, a valu à son auteur, selon la formulation de Yovan Deretic, "une large popularité chez les lecteurs"."


L'auteur précise ensuite les systèmes de "manipulation" de Popovic à travers les trois exemples suivants:


"Exemple n°1 – Représentations centrées autour du noyau thématique de la menace et de l’"identification" de l'ennemi avec appel à la vengeance "juste" :

A Krivayitsa, une trentaine de femmes et d'enfants ont été ligotés et massacrés par les Boches. Ainsi aussi à Zavlaka et dans d’autres lieux, partout, dans les régions de la Matchva et du Yadar. Les photographes pointent leurs appareils et prennent des photos des femmes et des enfants morts. C’est nécessaire, disent-ils, pour les archives de l'État et les journaux, à travers le monde, que l’on voit et que l’on sache quels atrocités sont commises contre les Serbes sans défense...


Exemple n° 2 – Représentation de la loyauté et du patriotisme :

Mladen est venu, volontairement, de Vienne, il veut lui aussi défendre la Serbie, qu’il en soit loué. La Serbie doit être défendue.


Exemple n° 3 – Représentation d’un destin national et historique commun, fondé sur "le sang et la terre" et la nécessité d'une unification territoriale :

C’est là-bas en Hongrie, que nous allons conquérir l'Autriche, libérer nos frères; là-bas vivent nos gens, là-bas se trouvent nos monastères et les dépouilles de nos souverains."


Et tout ça pour ça.


Le paysan serbe Miloutine, personnage principal du livre de Danko Popovic, raconte les crimes des Austro-Hongrois dans la Matchva et le Jadar (qu’il voit de ses yeux de soldat), se réjouit de l'arrivée d'un volontaire de Vienne et espère la libération des compatriotes occupés.


Rien de plus.


Là est la faute de Miloutine, de Danko Popovic et des Serbes en général (car c'était le livre le plus lu à l'époque).


Mais, concrètement, en quoi consiste cette faute? Cela n’intéresse pas les marxistes et partisans de Soros. Est coupable celui que ces derniers déclarent comme tel, c’est le postulat de leur "science". Un postulat qui n’est pas sans rappeler irrésistiblement le célèbre inquisiteur médiéval, le cardinal de Richelieu: "Qu'on me donne six lignes écrites de la main du plus honnête des hommes, j'y trouverai de quoi le faire pendre !"


L'académicien Slobodan Yovanovic dans son ouvrage "Sur le totalitarisme" invoque l'exemple de Machiavel:


"Les nazis, les fascistes, les communistes, aussi différents soient-ils par l’idéologie, utilisent en pratique les mêmes méthodes, raison pour laquelle ils sont tous regroupés sous le même nom de "totalitaristes". Leurs méthodes sont considérées comme nouvelles et inhabituelles, car elles tranchent avec celles qui sont autorisées dans les démocraties. En fait, elles sont bien moins nouvelles qu’il n’y paraît. Comme chacun le sait, les totalitaristes sont prêts à tout en terme de moyens. Pour eux, leur objectif ultime est si élevé qu’ils pensent qu’il justifie à lui seul tous les moyens. Machiavel, auteur italien de la Renaissance, a soutenu quelque chose de similaire. Pour lui, en politique, tous les moyens qui assurent le succès sont autorisés, car en politique seul compte le succès. Le totalitarisme n'est rien d’autre qu'une nouvelle forme du machiavélisme".


Les marxistes/partisans de Soros contemporains héritent des actes des totalitaristes précédents, mais ils appartiennent à un nouveau type de totalitarisme : le mondialisme.


Dans leurs actions, on peut voir certains éléments fondamentaux du totalitarisme pris au sens classique du terme: recours à la force (leurs donneurs d’ordre peuvent introduire des sanctions économiques, envoyer des bombardiers et des missiles à longue portée, etc.), quasi-religion (ils se présentent comme des messies ou au moins comme des missionnaires), la suppression de l’individualisme (leur histoire est toujours la même, c'est-à-dire qu’elle est devenue collective), etc...


Les éléments particuliers de ce nouveau totalitarisme ont déjà été largement définis dans le monde occidental, mais pas en Serbie. La pression des totalitaristes est ici si puissante que la Serbie est l’un des rares pays de l’hémisphère occidental dans lequel il n’y a pas de mouvement antimondialiste.

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