Retour à Collection d'articles


POURQUOI JE M'OPPOSE AU TERME «ANTIFASCISME»


Quand quelqu’un dit aujourd’hui qu’il est antifasciste, il nous fait savoir qu’il est communiste, mais qu’il n’ose pas le reconnaître pour des raisons tactiques. En même temps il nous fait savoir qu’il est anti-serbe, car la politique communiste a été anti-serbe dès les directives de Staline des années 1920.


Par Miloslav SAMARDJIC


Traduction du serbe et mise à jour de l’article publié le 11 mai 2015 dans la revue «Liberty» de la "Serbian National Defense" de Chicago (USA)

Conteneur urbain à ordures ménagères dans une rue en Serbie près duquel ont été abandonnés de vieux portraits de Tito et de Milosevic. Copyright www.pogledi.fr

L’antifascisme est revenu sur le devant de la scène du fait de la décision de Trump concernant les Antifa aux États-Unis, mais dans les pays qui ont eu une expérience lourde avec les communistes, comme c’est le cas de la Serbie, «l’Antifa» est un phénomène connu depuis bien longtemps.


L’histoire débute par une erreur factuelle: les Allemands sont eux aussi qualifiés de fasciste, bien qu’ils ne l’aient pas été puisqu’ils étaient nazis. L’erreur est – évidement - intentionnelle, imaginée pour pouvoir éviter aux communistes d’être mis dans un parallèle inconfortable. En effet, le nazisme est l’abréviation de « national socialisme », et le nom complet du parti d’Hitler était «Parti national-socialiste des travailleurs allemands». Hitler commençait aussi ses discours par «camarades», il brandissait un drapeau rouge et n’était pas avare de démagogie à propos des ouvriers et du peuple, dont il reste de nos jours celle accolée à la «voiture du peuple» («Volkswagen»).


Était aussi socialiste le fondateur du Parti fasciste d’Italie, Benito Mussolini. Qui plus est, c’était un cadre dirigeant du Parti socialiste et le directeur du quotidien socialiste «Avanti» («En avant»). Il n’avait fondé le Parti fasciste qu’après s’être brouillé avec ses camarades socialistes, mais il avait, comme Hitler, conservé la démagogie à propos du «peuple travailleur». Puisque avec le nom qu’avait choisi Mussolini les communistes ne risquaient pas d’association indésirable avec eux dans l’esprit de l’opinion publique, ils ont décidé de se servir précisément de celui-ci pour qualifier leurs ennemis.


Ainsi, les plus grandes souffrances du 20e siècle ont été provoquées par deux mouvements socialistes extrémistes: le socialisme international (le communisme) et le socialisme national (le nazisme). Tous deux sont, par nature, de gauche, mais les communistes ont toujours qualifié leurs camarades d’Allemagne comme étant de droite. Cette propagande contre la droite s’est particulièrement développée dans les pays où ils tenaient le pouvoir, et donc aussi en Serbie. C’est la raison pour laquelle, après tout ce temps, aucun parti véritablement de droite n’a encore été créé en Serbie. Cependant, on peut difficilement espérer du développement dans un pays si celui-ci ne comporte pas aussi des partis de droite, à l’instar, par exemple, du Parti républicain aux États-Unis et du Parti conservateur au Royaume-Uni. Dit plus précisément, par principe, le développement dans ces pays se réalise pendant que la droite est au pouvoir, puis vient la régression avec la gauche, et ainsi de suite.


Les communistes considèrent comme leurs plus grands ennemis les «voyous dans leurs propres rangs», et ils ont ainsi été dès le début les ennemis des fascistes et des nazis. Malgré tout, ils avaient sérieusement collaboré avec eux pendant un certain temps, et ils sont ainsi entrés dans la Seconde Guerre mondiale - dans le même camp. Le leitmotiv principal des communistes yougoslaves à l’époque était: «Moscou – Berlin». En particulier, sur ordre de Moscou la rouge, ils avaient collaboré dès les années 1920 avec les «mouvements hystériques nationaux» dans les Balkans, y compris les organisations terroristes bulgare VMRO et croate Oustachi, qu’ils qualifiaient par ailleurs aussi de fascistes. Cette collaboration est le résultat de la convergence des objectifs: aussi bien les nazis/fascistes que les communistes avaient pour ennemi principal dans les Balkans la prétendue «bourgeoisie grand-serbe», mais dit plus clairement – c’était le peuple serbe. C’est pourquoi et les uns et les autres avaient échafaudé des plans pour se partager et déchiqueter les territoires serbes. Hélas, tous y ont réussi: les premiers en 1941, les seconds en 1945.

Le général allemand Guderian et le général soviétique Krivoshein lors du défilé miliaire commun à Brest Litovsk

Quand les nazis/fascistes attaquent en traître l’Union Soviétique le 22 juin 1941, les communistes ont répliqué entre autres en remettant au goût du jour leur vieille propagande, faisant un pas de plus dans l’absurde: ils ont qualifié toute la Seconde Guerre mondiale de lutte contre le fascisme ou «guerre antifasciste».


Le Royaume de Yougoslavie, tout le temps de son existence, c’est-à-dire jusqu’en 1945, était dans le camp des Alliés occidentaux et évidement, n’usait pas de rhétorique communiste. Le Roi yougoslave, son gouvernement et l’armée étiquetaient leurs ennemis de la même façon que les Américains et les Britanniques le faisaient, utilisant le terme «Puissances de l’Axe», ainsi que le gentilé (les Allemands, les Italiens…). Dans les archives audiovisuelles on peut voir que les Américains utilisaient aussi l’abréviation «nazi». Il est possible que quelqu’un dans le camp des Alliés occidentaux ait employé le terme «antifascisme», mais ce serait l’exception qui confirme la règle.


Pour ce qui concerne l’Histoire serbe, les agresseurs n’avaient jadis jamais été désignés selon leur idéologie. En réalité, en Serbie on ignore quelle a été, par exemple, l’idéologie austro-hongroise en 1914.


Par contre, quand les communistes sont arrivés au pouvoir, leur maxime de base pour désigner l’ennemi, aussi bien extérieur qu’intérieur, devient l’idéologie, et l’idéologie commune à tous était soi-disant fasciste. Évidement, cela ne pouvait être vrai, mais c’est de cette façon qu’a été introduit un système de manipulation de plus dans l’intérêt de la propagande communiste.

Pour donner un exemple, ils ont qualifié toutes les victimes de la Seconde Guerre mondiale de victimes du fascisme. En même temps, ils taisaient l’identité et des bourreaux et des victimes, parce que la vérité ne les arrangeait pas.

Ainsi, les bourreaux du Raid sur Novi Sad de janvier 1942* n’étaient pas des fascistes, mais les membres des troupes hongroises d’occupation. Une enquête contre eux avait immédiatement été ouverte à la demande du Parlement hongrois à Budapest et à cause de ce crime le gouvernement hongrois est tombé. Cela n’arrangeait pas les communistes yougoslaves que cela soit dit, et c’est pourquoi tout a été recouvert du voile du fascisme.

D’un autre côté, même les bourreaux de Jasenovac** n’étaient pas des fascistes, mais des membres des forces (para)militaires, de l’État fantoche et de l’église catholique croate. Contre ces criminels, le Parlement croate - le Sabor – n’avait non seulement pas ouvert d’enquête, mais avait même encouragé les crimes, par leurs ainsi-nommées lois raciales. Cela arrangeait encore moins les communistes que cela aussi soit dit.


Jusqu’à la chute du mur de Berlin en 1989, il était rare en Yougoslavie que quelqu’un se revendique de l’antifascisme. Tout simplement parce qu’il n’y avait aucune utilité pour cela, puisqu’ils se revendiquaient avec fierté de communistes. Toutefois, quand cette idée à été entièrement démasquée, une campagne massive de camouflage systématique a été opérée: la Ligue des Communistes est devenue le Parti socialiste; le Marxisme – la science sociale; le marxiste – un philosophe, un sociologue, un politologue, etc…; le Musée de la Révolution – le Musée national; l’Institut du mouvement des travailleurs – l’Institut des sciences, etc…


C’est sur cette vague que le camouflage des communistes en antifascistes est arrivé. En d’autres termes, quand quelqu’un aujourd’hui dit qu’il est antifasciste, il nous fait savoir qu’il est communiste, mais qu’il ne peut pas le reconnaître ouvertement pour des raisons tactiques. Dans le même temps, il nous annonce qu’il est anti-serbe, parce que la politique communiste dès les directives de Staline des années 1920 est anti-serbe. Depuis cette époque, pour les communistes, les plus grands fascistes en Yougoslavie avaient été et sont toujours les Serbes, à commencer par le Roi Alexandre Ier Karageorgévic, bien que celui-ci ait été la première victime des fascistes/nazis. Pendant la Seconde Guerre mondiale, pour eux, les plus grands fascistes étaient les membres de l’armée régulière du Royaume de Yougoslavie (les Tchetniks du général Mihaïlovic), puis plus tard, et ce jusqu’à nos jours, tous les Serbes qui se sont battus pour l’avènement de leurs droits démocratiques et nationaux.


Bien entendu, il y a aussi ceux qui par inertie disent qu’ils sont antifascistes, c’est-à-dire ceux qui, sans eux-mêmes avoir d’intentions cachées, ont adopté la terminologie des communistes et de ce fait aussi leur point de vue. En somme, ils l’ont adopté et, peu importe la raison, il s’ensuit que ceux-là travaillent dans l’intérêt de ces derniers. Ceci se rapporte tout particulièrement aux tenants de la thèse de «deux mouvements de résistance» en Yougoslavie pendant la Seconde Guerre mondiale. Jadis, il n’y en avait officiellement qu’un seul et aujourd’hui les tenants de cette thèse sont tout heureux que les Tchetniks du général Mihaïlovic sont mis sur un pied d’égalité avec les communistes.


Merci, mais non merci !


Quand on étudie les documents, il apparaît clairement que sur le territoire du Royaume de Yougoslavie durant la Seconde Guerre mondiale il n’y avait eu aucun mouvement de résistance, pas plus formellement que concrètement.

Si quelqu’un soutient le contraire, qu’il nous montre l’article de loi ou de la Constitution du Royaume de Yougoslavie qui mentionne «mouvement de résistance» ou quelque chose d’approchant.

Le général Draja Mihaïlovic et le USA colonel de l'OSS Robert McDowell passent en revue les Tchetniks de la Garde royale de la montagne le 6 septembre 1944 à Pranjani (Serbie), jour de l'anniversaire du Roi Pierre II de Yougoslavie.

Dans les faits, il y avait d’un côté l’armée du Royaume de Yougoslavie (les Tchetniks du général Mihaïlovic) et de l’autre les formations armées du Parti communiste illégal***, pour qui l’objectif principal de la guerre n’était pas la lutte contre les nazis/fascistes ou les agresseurs/occupants - c’est selon - mais justement la lutte contre l’armée de Royaume, dans le but d’anéantir le système démocratique et voir l’avènement de leur propre pouvoir totalitaire.


Par conséquent, si on devait les déterminer par un nom comportant le préfixe «anti», les communistes sont avant tout un mouvement antidémocratique, ce qu’ils sont, du reste, encore de nos jours.


Tout ceci explique l’apparition de nos jours d’une multitude de facettes de ce que l’opinion publique appelle «les Antifa». Une partie est composée de la myriade d’ONG, au fonctionnement opaque, qui bien que non gouvernementales, sont tout de même subventionnées par l’État serbe, en plus des financements reçus par les fondations étrangères - la plus connue étant celle de George Soros - et qui agit dans la sphère publique comme partout ailleurs avec agressivité dans le sens du «progressisme».

Une autre partie des Antifa est institutionnelle – c’est principalement le Parti socialiste. Le Paris socialiste de Serbie (SPS), c’est la Ligue des Communistes de Serbie que Slobodan Milosevic rebaptise en 1990. Ce parti est toujours au pouvoir aujourd’hui, puisqu’il fait parti de la coalition avec le parti majoritaire «Parti Progressiste serbe». Ainsi le SPS est continuellement au pouvoir de 1945 à nos jours, sauf pendant quatre ans : de l’an 2000 lors de la chute de Milosevic jusqu’en 2004. Mais même pendant cette courte parenthèse, il détenait les clés du pouvoir d’un bon nombre de municipalités.

 

Ivica Dacic, le président du SPS et ministre des Affaires Étrangères de Serbie s’est récemment rendu une nouvelle fois se recueillir sur la tombe de Josip Broz Tito et lui a, une fois encore, publiquement juré fidélité. Le SPS compte environ 30.000 cadres dirigeants d’entreprises du secteur public en Serbie, et à l’étendu du pouvoir sur la gestion des affaires sans commune mesure avec ce que connaissent les dirigeants d’entreprises privées. C’est pourquoi le SPS est toujours opposé aux privatisations, et c’est aussi pour cela que 57% du capital des entreprises en Serbie est détenu par l’État, c’est-à-dire, pour faire court – par le SPS, qui en dirige certainement plus que son grand frère Progressiste de la coalition au pouvoir.

 

Pour l’anecdote, une photo avait été publiée montrant Ivica Dacic prenant le café avec le chef d’un clan de narcotrafiquant de la région, et ce, alors qu’il était ministre de l’Intérieur. Quelques temps auparavant il avait été arrêté en possession d’une valise pleine de liasses de billets en devises étrangères, mais il n’avait été retenu que pendant quelques heures.

 

Bref, l’exemple du Parti socialiste de Serbie est en réalité le plus emblématique et important pour bien percevoir ce qui distingue les Antifas à l’est de ceux en Occident. En d’autres termes, à l’est ils tiennent le pouvoir, ils détournent la démocratie, ils empêchent le développement de l’économie, etc..

Le SPS est, bien entendu, aidé par un mouvement des «Jeunes Socialistes» qui constitue notamment une armée de bots sur internet pour sa propagande.

 

On ne peut parler d’antifascisme dans les Balkans sans mentionner le SUBNOR, association publique des «vétérans communistes de la Seconde Guerre mondiale et leurs sympathisants». Établie sous le régime communiste elle est toujours financée par l’État et participe aux projets de loi et à leur application.


Il y a aussi la «Gauche yougoslave», que la femme de Slobodan Milosevic, Miriana Markovic – avait créé dans les années 1990 et qui était connu pour être le parti regroupant les individus les plus riches de Yougoslavie – qu’on rangeait dans la catégorie des ‘tycoons’. Ce parti n’existe plus, mais le meneur de sa section des jeunes, Aleksandar Vulin, dirige aujourd’hui le Mouvement des socialistes et est ministre de la Défense puis de l’Intérieur, de Serbie.

 

Et tant d’autres.

 

Ils ont tous en commun d’être favorables au marxisme, d’être opposés à la propriété individuelle, tous nient les crimes du communisme, tous entretiennent les «acquis de la révolution», tous falsifient grossièrement l’Histoire, etc… Et bien évidement, tous s’opposent à la démocratie. Certains le reconnaissent publiquement, d’autres non, mais si ils le pouvaient, ils établiraient de nouveau la dictature, comme elle a existé jusqu’en 1990 en Yougoslavie.

 

Mais ils ne le peuvent pas, étant ultra-minoritaires dans la population à avoir ce désir et personne ne les soutiendrait de l’extérieur, Staline étant mort depuis longtemps.


----------------------------------------------


Notes de bas de page, précisions du traducteur:


* du 21 au 23 janvier 1942 près de 2.000 habitants de Novi Sad très majoritairement Serbes orthodoxes et Juifs ont été exécutés puis jetés sous le Danube gelé.

** Jasenovac était un camp d’extermination administré par les Oustachis croates d’août 1941 à avril 1945 où ont été exterminés des centaines de milliers de Serbes orthodoxes et de Juifs majoritairement.

*** Le Parti communiste avait été rendu illégal par le Parlement yougoslave en 1921 après l’attentat manqué contre le Prince héritier du trône Alexandre puis l’assassinat de l’ancien Ministre de l’intérieur du Royaume par ses membres.

Partagez

Share by: